Face à la dissémination du "greenwashing"...

Publié le par Sébastien Barles & Michèle Rivasi

par Sébastien Barles et Michèle Rivasi
Sébastien Barles est conseiller municipal de Marseille, porte-parole des élus Verts, et Michèle Rivasi est députée européenne Europe Ecologie du Grand Sud-Est.

 

A l'heure où le Grenelle de l'environnement s'enlise en même temps qu'est enterrée la taxe carbone, un bon nombre de décideurs et d'élus habillent leurs politiques d'une petite touche verte sans penser à la nécessaire mutation de nos modes de consommation et de production qu'exige l'impératif écologique et la crise systémique que nous traversons. Ces adeptes du Guépard et de la célèbre phrase du comte de Lampedusa "tout changer pour que rien ne change", sont en fait les fossoyeurs de la "métamorphose écologique" qu'appelle de ses vœux Edgar Morin.

 

Il y a quelques mois déjà, les écologistes marseillais ont été scandalisés par l'inauguration en grande pompe, en plein sommet de Copenhague, par Jean-Claude Gaudin et la ministre des de la santé et des sports Roselyne Bachelot d'une immense patinoire de 4 000 places baptisée pompeusement "le Palais de la glace et de la glisse". Comment imaginer dans la ville la plus chaude de France, n'ayant aucune culture des sports de glace, réaliser une telle hérésie écologique (une patinoire étant énergétivore et vecteur de pollution) ? Comment penser sérieusement servir l'intérêt collectif lorsque l'on dépense 52 millions d'euros pour réaliser un tel équipement dans une ville surendettée, qui souffre tant de son manque d'équipements collectifs et d'espaces verts en ville ? M. Gaudin a voulu maquiller son monstre écologique et budgétaire digne d'un émir saoudien en apposant sur la face sud de la patinoire une délicate petite ceinture photovoltaïque de quelques mètres carrés.

 

Plus récemment encore, les élus écologistes de la ville de Marseille se sont alarmés du bradage des toits des écoles à des exploitants privés (souvent à des grands groupes multinationaux) pour l'installation de panneaux photovoltaïques. La délibération, initialement prévue pour une mise au vote fin mars, a été retirée au dernier moment après nos vives protestations. Elle prévoyait que la ville, en louant ses toits des écoles pour vingt ans, allait récupérer seulement 1 % des bénéfices générés par l'exploitation photovoltaïque.

 

Loin de nous opposer à la production d'énergie alternative au nucléaire et d'origine renouvelable, nous considérons que notre opposition à ce projet se justifie par des considérations éthiques et financières. Nous refusons tout cadeau fait aux grandes firmes multinationales venant s'acheter une bonne image "écolo-compatible", alors que ce projet n'est qu'une source de bénéfices pour eux. A l'instar de notre opposition de voir les collectivités de l'aire marseillaise soutenir un Conseil mondial de l'eau contrôlé par ceux-là mêmes qui exploitent de façon éhontée la ressource en sur-majorant la facturation pour les usagers, nous refusons que la Ville délègue l'exploitation de ses toits au seul bénéfice du privé.

 

Le photovoltaïque et les énergies renouvelables en général peuvent être un vrai levier financier pouvant même remplacer à terme, au moins partiellement, le levier fiscal et permettre par un retour sur investissement de huit ans – compte tenu du prix du rachat par EDF – de financer par exemple des grands projets d'infrastructures de transports collectifs (comme la prolongation du tramway et du métro) planifiés souvent sur au moins une décennie.

 

L'idée est de créer sur l'ensemble des territoires des sociétés coopératives d'intérêt collectif (SCIC) réunissant les collectivités locales, les entreprises volontaires, les citoyens et les associations locales autour de la production d'énergie alternative réinjectée au réseau, et dont les revenus générés pourraient permettre le financement de projets d'utilité sociale majeure.

 

Ce projet municipal illustre bien l'utilité de la présence des écologistes et d'Europe Ecologie pour éviter le dévoiement des idées écologistes. Nous nous opposons à cette écologie "light", d'accompagnement, fondée sur le culte d'une croissance un brin verdie et pour le plus grand bénéfice des grandes entreprises capitalistes. Nous opposons à cette écologie de la plus-value, du "greenwashing" (ou éco-blanchiment) et du ripolinage une écologie fondée sur le triptyque protection de l'environnement-solidarité et justice sociale-participation et coopération citoyenne, qui s'attaque à la crise globale et à ses causes en prônant une mutation écologique et une transformation des rapports sociaux vers une société du mieux-vivre ensemble.

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